Le beaucarnéa se tenant derrière la vitre de mon salon est-il conscient ? Ou du moins, est-il intelligent ? Si une réponse positive à cette question est communément acceptée pour les humains, voire certains animaux, ce n’est de loin pas (encore) le cas pour les plantes. Pourtant, de récentes recherches scientifiques montrent que nos certitudes au sujet de nos amis végétaux méritent d’être revues. Les plantes semblent capables de choses extraordinaires ce qui fait non seulement hausser quelques sourcils mais aussi soulève l’ultime question : les plantes sont-elles conscientes ?

Communication végétale

Lorsque nous nous penchons sur la question de l’intelligence des plantes, le premier fait intéressant est qu’elles ont la capacité de communiquer entre elles et ce, de différentes manières. Il y a bien sûr une communication qui se fait par le biais des signaux chimiques que cela soit à travers les airs ou le sol mais il y a aussi une communication qui peut s’établir grâce à des intermédiaires. En effet, certaines plantes échangent des informations, par exemple à propos d’insectes prédateurs, grâce à des connections par réseau de champignons. Les chercheurs ayant étudié ce système de communication l’ont d’ailleurs intitulé le « wood-wide-web » puisqu’il s’agit d’un réseau de communication entre arbres similaire au WWW (world-wide-web) [c4].

Monica Gagliano est une chercheuse pionnière en matière de communication végétale et a démontré l’existence de moyens de communication insoupçonnés avec ses expériences. Dans l’une d’entre elles, elle a pu voir qu’une plante qui est totalement isolée des signaux chimiques et lumineux était capable de « sentir » si la plante voisine était une plante « amie » ou « ennemie » [c2]. Comment cette plante a-t-elle su ? Nous avons plusieurs hypothèses. Comme les plantes sont sensibles aux champs magnétiques terrestres, il se peut que les plantes perçoivent les champs magnétiques de basse intensité émis par leurs plantes voisines. Cependant, ceci est encore un phénomène peu compris et qui reste à être étudié. Sinon, il est possible que la plante utilise des sons pour obtenir des informations sur son environnement puisqu’il a déjà été observé que les plantes répondent aux ondes acoustiques. Ainsi, une plante qui entend par exemple de l’eau couler va pousser dans sa direction.

Agrégat de plantes ou réseau neuro-végétal?

L’école buissonnière – Résolution de problèmes et apprentissage

Un autre chercheur, Simon Garnier, a montré que les myxomycètes aussi connus sous le nom de « blob » ont la capacité de résoudre des labyrinthes et de créer des réseaux de transport de nourriture très efficaces, comparables à des réseaux que des ingénieurs pourraient avoir dessinés pour les transports publics. Ces myxomycètes qui ne sont ni vraiment des plantes, ni des champignons sont des organismes unicellulaires assez étranges mais intelligents ou, tout du moins, qui sont capables de résoudre des problèmes complexes. En effet, pour construire des réseaux de transport efficaces et durables, il faut être capable de considérer non seulement le coût de fabrication mais aussi la stabilité du réseau face aux perturbations extérieures.

Monica Gagliano, qui ne s’est pas arrêtée à l’étude la communication entre les plantes, s’est aussi intéressée à leur capacité d’apprentissage. Elle soupçonnait en effet que cette aptitude était considérée à tort comme l’apparat exclusif des êtres dotés d’un cerveau. Gagliano a donc conduit diverses études dont une qui ressemble fortement à la célèbre expérience de Pavlov qui avait conditionné son chien à saliver au son d’une cloche. Elle a en effet testé la capacité d’apprentissage par association des pois (pisum sativum) en les exposant à une petite brise en même temps qu’à la lumière [c3]. La lumière est pour les pois ce qu’est la nourriture pour le chien de Pavlov et, de cette façon, les pois furent conditionnés à être exposés à une petite brise en même temps qu’à la lumière. Dans son expérience, les pois apprirent à continuer à pousser dans la direction du vent même en l’absence de lumière. Ceci fût une découverte qui fût difficile à accepter pour plus d’un scientifique.

La cerise sur le gâteau

L’origine étymologique du mot « intelligence » indique qu’être intelligent c’est faire des choix. D’après ce que nous avons vu ci-dessus, les plantes semblent donc intelligentes. Sont-elles également conscientes ? Vivent-elles une expérience subjective comme des émotions ? C’est une question provocante qui aurait semblé complètement ridicule il y a dix ans mais qui aujourd’hui mérite d’être posée. Même s’il semble évident pour beaucoup que la réponse est « non », nous avons désormais de nombreuses études qui suggèrent de nuancer notre vision du monde végétal si ce n’est de la modifier complètement.

Par ailleurs, il peut s’avérer important de garder en mémoire que certaines cultures (par exemple en Amérique du Nord ou en Amazonie) ont d’autres points de vue sur le statut des plantes et leur confèrent depuis longtemps un statut d’être ayant une sorte d’ « âme ». Que cela soit justifié ou non, nous devons rester humbles face à nos connaissances scientifiques qui restent, malgré tout, incomplètes. L’histoire nous a montré à maintes reprises que nos intuitions ne reflètent par toujours la réalité alors prenons-en de la graine et restons ouverts aux nouvelles possibilités.